Le mois dernier, MEDEE publiait l’entretien de Brahim Ammar, Président de Jeumont Electric et Vice-Président de MEDEE, évoquant la situation d’une entreprise pendant la crise sanitaire. Nous avons voulu savoir quel impact cette même situation pouvait avoir sur l’activité d’un laboratoire. Betty Semail, directrice du L2EP et membre du conseil d’administration de MEDEE, nous répond.
Comment s’est organisée l’activité du L2EP (Laboratoire d’Electrotechnique et d’Electronique de Puissance) pendant le confinement ?
Betty Semail : L’activité du laboratoire s’est maintenue à distance. Les chercheurs se sont concentrés sur des recherches bibliographiques, des articles à rédiger, des projets à écrire et des développements d’idées qui ne nécessitaient pas de gros moyens de calcul. Les expérimentations n’ont pas pu se faire au rythme habituel mais aucun projet n’a été totalement arrêté.
Cependant, en tant qu’enseignants-chercheurs, le surcroît de travail occasionné par la tenue de cours en distanciel a impacté notre temps disponible pour la recherche. Et la rentrée s’annonce d’autant plus chargée qu’à ce retard, s’ajoute le report des évènements prévus pendant la période de confinement.
Dans quelles conditions s’est effectué le retour au laboratoire ?
Betty Semail : Nous avons organisé la reprise en nous assurant de l’approvisionnement en matériels sanitaires et en aménageant le laboratoire de manière à limiter les croisements et la proximité des personnes. Nous avons également mis en place un roulement de présence du personnel de manière à bien répartir les personnes temporellement et physiquement.
Le maître mot reste “télétravail”. Seules certaines personnes sont amenées à revenir sur place, notamment pour des travaux expérimentaux essentiels à l’avancée des projets. Le personnel est très responsable et les demandes de retour au laboratoire sont argumentées.
Le secteur industriel pourrait être durablement touché par cette crise. Prévoyez-vous des retombées sur votre activité ?
Betty Semail : Cela reste difficile à prévoir mais doit être envisagé. Nous nous interrogeons en effet sur une possible diminution de l’activité des services recherche de nos partenaires industriels, notamment du secteur automobile. Pourtant j’ose espérer que la diversité des secteurs applicatifs de nos recherches nous préserve d’un impact majeur sur notre activité.
Dans les discours, la priorité semble aujourd’hui donnée à la recherche dans le domaine de la santé : pensez-vous que cela pourrait se faire au détriment de la R&D sur les questions énergétiques ?
Betty Semail : Pendant la crise, des voix se sont levées pour rappeler le lien entre santé et transition énergétique. Je ne pense donc pas que notre domaine sera oublié des politiques de recherche publiques.
A votre avis, quel sera l’impact de cette crise sur les échanges internationaux dans le domaine de la recherche ?
Betty Semail : Les échanges internationaux me semblent assez durablement freinés, au moins jusqu’à la fin décembre 2020. Par exemple, l’invitation de professeurs étrangers ou les séjours des chercheurs en congés pour recherche et conversion thématique (CRCT) sont reportés ou annulés.
Par ailleurs, le recrutement de doctorants étrangers pour la rentrée 2020, en particulier hors de l’espace Schengen, est très compliqué. Si ces étudiants ne peuvent être là en septembre et doivent finalement commencer en décembre, le financement va-t-il pouvoir attendre ? De même le laboratoire aura plus de difficulté à recruter des étudiants en master en février/mars 2021 si certains restent bloqués hors des frontières. C’est toute notre chaine de recrutement à l’étranger qui est bouleversée.
Comment les pouvoirs publics (Europe, Etat, Région,…) peuvent-ils soutenir votre activité ?
Betty Semail : Notre inquiétude concerne les délais pris par certains projets pendant le confinement, et notamment ceux qui impactent le travail de nos doctorants. Pour l’instant, nous n’avons pas de visibilité sur la possibilité de prolonger les contrats auprès de nos financeurs institutionnels. Le principe semble acquis aux niveaux national et régional mais la mise en œuvre et le calendrier restent à préciser.
Quel rôle peuvent jouer les pôles, et notamment MEDEE, dans l’après-crise ?
Betty Semail : Les pôles auront encore plus leur rôle de liant à jouer parce que les relations entre les industriels et les académiques, comme toutes les relations, ont changé de format pendant le confinement. Il faudra notamment palier l’annulation des séminaires et des visites qui permettaient de faire connaître nos activités. Je pense que l’on va perdre en spontanéité dans les rapports du fait de la distance et les pôles peuvent aider à faire vivre ce lien.
Le mot de la fin ?
Si on se replace dans un contexte général, on peut dire que la recherche académique dans notre domaine a pu continuer dans de bonnes conditions globalement ; nous avons su nous organiser différemment et tirer parti des ressources informatiques pour assurer le fonctionnement de notre structure. Même si nous avons hâte de revenir à un fonctionnement normal, il est intéressant de tirer les enseignements de ces changements contraints pour optimiser notre organisation pour la suite.